Le 17 avril marque la journée mondiale des luttes paysannes. Cette date est l’occasion de mettre en lumière les combats menés par les activistes et les organisations paysannes à travers le monde, qui se mobilisent pour défendre les droits des agriculteurs et le maintien d’une agriculture paysanne, respectueuse du travail des hommes et des femmes qui cultivent et de l’environnement.

Quelles sont les origines de cette journée de mobilisation ? Quelles sont les principales idées défendues par les organisations paysannes aux quatre coins de la planète et comment ces dernières s’organisent-elles ? La Fondation GoodPlanet vous donne ses réponses.

La répression du Mouvement des Sans Terre au Brésil, la genèse de la journée des luttes paysannes

Le 17 avril 1996, 21 paysans du Mouvement des Sans Terre au Brésil ont été assassinés lors d’une marche de protestation à Eldorado dos Carajas. Suite à cette violente répression, l’organisation Via Campesina, regroupant plus de 180 mouvements et collectifs paysans dans plus de 80 pays, a institué cette triste date anniversaire comme journée mondiale des luttes paysannes.

Le Mouvement des Sans Terre est né au Brésil au début des années 80, à la fin de la dictature militaire. Cette mobilisation sociale, dont la voix porte aujourd’hui au-delà même des frontières brésiliennes, trouve ses origines dans des actions d’occupation des terres par des familles d’ouvriers agricoles dès la fin des années 70. Les manifestants luttent depuis des décennies pour une redistribution équitable des terres, aujourd’hui très largement aux mains de quelques grands propriétaires, dont la production est majoritairement vouée à l’exportation. Cet accaparement des terres par une poignée de propriétaires est l’une des conséquences de l’industrialisation et de la mondialisation des marchés agricoles qui ont profondément affecté les conditions de vie des petits agriculteurs. Les membres du Mouvement des Sans Terre défendent une nécessaire réforme agraire protectrice des droits des paysans.

Dans l’actualité récente, nous pouvons également donner l’exemple des manifestations de paysans indiens. Depuis l’automne 2020, des dizaines de milliers de citoyens indiens manifestent contre la mise en place d’une réforme de l’agriculture dans le pays. A l’origine des marches, grèves et occupations de lieux, trois lois promulguées en septembre qui visent à dérèglementer le secteur agricole. Parmi les mesures figurent la fin des prix minimums garantis pour les récoltes ainsi que la possibilité pour les grandes entreprises de négocier directement avec les petits agriculteurs le prix de vente de leurs récoltes. Ces deux mesures rendent les paysans et paysannes plus vulnérables et menacent leur condition économique.

Ces nouvelles règles s’ajoutent à un contexte déjà très difficile pour les paysans indiens qui font face à une spirale d’endettement et une très forte dépendance les menant parfois au suicide : plus de 10 000 agriculteurs ont mis fin à leurs jours en 2019.

L’organisation des luttes paysannes : Via Campesina

Le Mouvement des Sans Terre, la mobilisation des agriculteurs indiens ne sont pas des cas isolés : des mouvements portant des revendications similaires existent sur tous les continents, y compris en Europe. Leur taille, leurs actions et les contextes varient mais elles sont pour la plupart coordonnées et portées sur la scène internationale par Via Campesina.

Via Campesina parraine des organisations partout dans le monde et représente les intérêts de plus de 200 millions de paysans. Née en 1993 en réaction aux négociations du GATT qui entrainaient une importante libéralisation et l’ouverture des marchés agricoles, elle assume aujourd’hui un rôle de plaidoyer, notamment devant les instances internationales telles que la FAO, l’organisation mondiale pour l’agriculture et l’alimentation, ou le Conseil des Droits de l’Homme.

Pour quoi ces mouvements luttent-ils ?

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Chaque manifestation paysanne a ses propres causes et des modes d’action qui correspondent aux réalités de sa région. Cependant, il existe un certain nombre de combats communs à ces mouvements, que l’on peut résumer de la façon suivante : la défense d’une agriculture paysanne et la remise en cause de l’agriculture industrielle.

Quelles seraient les principales caractéristiques d’une agriculture paysanne ?

  • Une agriculture respectueuse des droits des paysans, qu’ils soient économiques ou humains. Cela recouvre la défense d’un accès facilité à la terre et la propriété, la possibilité d’accéder à des formations, de pouvoir accéder aux crédits et financements pour développer leur activité. Ces différents critères sont nécessaires pour améliorer les conditions de vie et de travail des agriculteurs et des agricultrices, ces dernières représentant plus de la moitié de la population paysanne et rencontrant des difficultés accrues dans l’accès aux ressources. La protection de l’intégrité physique des militants est également au cœur des enjeux : les organisations paysannes alertent sur les dangers encourus par les lanceurs d’alerte et les activistes, à l’instar de Nury Martinez, membre de l’organisation colombienne FENSUAGRO qui s’est adressée au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies en février dernier pour dénoncer les violences subies par les défenseurs de la terre dans son pays.
  • Une agriculture tournée vers un objectif de souveraineté alimentaire, c’est-à-dire le développement des capacités de production à l’échelle locale et la capacité des populations d’accéder à « une alimentation saine et culturellement appropriée, produite avec des méthodes durables » et à la définition de « leurs propres systèmes agricoles et alimentaires ».
  • La défense de l’autonomie des paysans : l’agriculture paysanne passe par le fait de redonner du pouvoir aux agriculteurs, de réduire leur dépendance, notamment économique. Concrètement, cela implique de réduire leurs charges : favoriser leur autonomie dans la production de semences paysannes, réduire l’utilisation d’intrants chimiques, limiter l’utilisation de machines agricoles pour moins dépendre des énergies fossiles…
  • Une agriculture qui permette de redynamiser les campagnes, de favoriser le développement rural, en multipliant le nombre de paysans, qui a drastiquement chuté depuis la seconde moitié du 20ème siècle et en cultivant la transparence et la communication avec les consommateurs.
  • Enfin, la plupart des luttes paysannes ont en commun la défense d’une agriculture durable, respectueuse de la nature. Elles allient des réclamations pour plus de justice sociale, environnementale et climatique, notre modèle alimentaire étant à l’origine de plus d’un quart des émissions de gaz à effet de serre à l’origine des changements climatiques. Cela passe par la défense de pratiques respectueuses des sols et permettant de protéger les ressources en eau. L’agriculture paysanne mise également sur la diversification des productions pour favoriser la biodiversité végétale et animale et favoriser la bonne santé des sols et la qualité des aliments produits. Aussi, de nombreuses mobilisations sont organisées pour alerter sur les effets néfastes de l’usage des intrants chimiques, pesticides et engrais, sur la santé humaine et sur l’environnement.

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