Face au lourd impact environnemental de l’industrie du textile, nous sommes de plus en plus nombreux à vouloir réduire l’empreinte carbone de nos vêtements. Toutefois, la démarche peut sembler complexe tant notre rapport à la mode nécessite d’être transformé. Comment se constituer une garde-robe respectueuse de la planète ? Eloïse Moigno, fondatrice de SloWeAre, un label qui valorise les marques engagées dans une démarche éco-responsable, vous livre ses conseils.

Quels critères prendre en compte pour m’assurer que mon vêtement est éco-responsable ?

Pour permettre à chaque consommateur de repérer les marques éco-responsables, SloWeAre a développé un pense bête facile à mémoriser.

Il s’agit de la méthode GREEN :

G pour gratter le discours des marques : se renseigner sur les engagements éco-responsables de la marque et s’assurer qu’elle ne pratique pas de greenwashing*, un phénomène qui s’est amplifié avec la crise sanitaire.

R pour repérer les imprécisions : se poser la question du juste prix, s’interroger sur l’origine des matières premières, le lieu et les conditions dans lesquelles le produit a été fabriqué.

E pour évaluer les labels : tous les labels ne se valent pas, il faut les repérer et les comparer. Parmi les labels les plus sûrs :

  • Le label GOTS, qui garantit que la marque utilise au minimum 70% de matières issues de l’agriculture biologique pour fabriquer un produit, n’utilise aucun produit chimique dangereux, considère la gestion de ses déchets, respecte des conditions de travail éthiques et une rémunération juste de ses fournisseurs.
  • Le label OEKO-TEX® : qui garantit la non-nocivité d’un vêtement pour la santé.

E pour Examiner les étiquettes : Examiner la matière des vêtements : privilégier les matières naturelles (coton bio, lin, chanvre) aux matières chimiques.

N pour Nécessiter une vraie cohérence : une marque véritablement engagée nécessite une vraie cohérence au niveau global : quelles actions la marque mène-t-elle au niveau social ? Quelle est son mode de gouvernance ? Sa raison d’être ?

Enfin, l’impact environnemental d’un vêtement étant autant lié à sa production qu’à l’usage qu’en fait le consommateur, plusieurs aspects sont à prendre en compte après avoir vérifié le caractère éco- responsable de la marque. Avant tout achat, je réfléchis à son utilité : s’agit-il d’un besoin ou d’une simple envie ? Une fois acheté, je prends soin de mon vêtement en le lavant avec une lessive naturelle et lorsque je ne souhaite plus le porter, je lui donne une seconde vie ou je le recycle.

Le Made in France est-il une garantie de démarche éco-responsable ?

Non, pas toujours. Pour qu’un vêtement soit considéré Made In France, il faut que la majorité des transformations substantielles du produit soient réalisées sur le territoire national, mais l’origine de la matière première n’est pas obligatoirement française, elle l’est d’ailleurs rarement.

En effet, il est aujourd’hui difficile de produire des vêtements 100% français car nous ne disposons pas toujours de la matière première nécessaire. Avec la délocalisation, nous avons perdu beaucoup d’usines de fabrication de matières textiles, donc nous sommes obligés d’aller chercher la matière première à l’étranger. Certaines marques essaient de palier à ce manque, comme la marque Ecclo, qui pratique l’upcycling* ou la marque Laines Paysannes, en Ariège, qui recrée une filière laine. On cherche progressivement à revenir à du Made In France à 100%, mais cela prend du temps.

Aussi, si la mention Made in France favorise la production nationale, elle ne prend pas en compte les critères éthiques et durables de la marque. Il est donc nécessaire, lorsque l’on achète un produit Made in France, de se poser les mêmes questions que celles citées plus haut afin de savoir si la marque adopte une vraie démarche écologique et responsable ou s’il s’agit uniquement d’une approche commerciale.

Comment s’habiller de manière responsable sans se ruiner ?

Tout d’abord, il faut savoir que les entreprises de mode éco-responsables fixent des prix justes, en rémunérant justement les producteurs, en optant pour des techniques respectueuses de l’environnement, en utilisant des matières qualitatives, etc. Les prix des vêtements de fast fashion sont faibles mais on paie leur prix indirectement, puisqu’ils ont des conséquences importantes sur la pollution des sols, la santé des producteurs et des ouvriers, etc. Trop habitués à payer nos vêtements peu chers depuis 30 ans, nous sommes aujourd’hui souvent bloqués par le coût des vêtements éco-responsables, alors que ces derniers sont en réalité rentables car ils sont conçus pour être durables. Il faut donc commencer par accepter le vrai prix d’un vêtement et prendre conscience de son importance.
Après cette prise de conscience, il y a de nombreux réflexes que l’on peut adopter pour une consommation de vêtements plus responsable :

Faire avec ce que l’on a déjà dans sa garde-robe : on considère qu’on ne porte que 30% de notre dressing. C’est-à-dire que 70% de nos vêtements dorment dans nos armoires alors qu’ils pourraient être utilisés bien plus souvent !

Tenir une liste à jour de ses besoins : après avoir constaté plusieurs matins qu’il manque une pièce particulière à notre garde-robe, nous pourrions l’inscrire sur la liste de nos besoins, et la rayer de notre liste une fois obtenue. Un outil efficace pour lutter contre l’achat compulsif.

Acheter des vêtements de qualité, qui vont durer dans le temps, afin de réduire notre consommation et de donner une seconde vie à nos vêtements lorsque nous ne souhaitons plus les porter. Il est nécessaire pour cela de prendre en compte le coût d’usage, qui correspond au prix d’achat du vêtement divisé par le nombre de fois où il a été porté. Ainsi, on s’aperçoit de la rentabilité de la qualité.

Privilégier la seconde-main : cela permet d’équilibrer son budget, notamment quand on a un besoin inattendu, ou de se faire plaisir, quand on est adepte de la mode.

Au-delà de l’acte individuel d’achat, quels conseils donneriez-vous à celles et ceux qui souhaitent s’engager en faveur d’une mode éthique et durable ?

Il existe de multiples façons de s’engager ! Vous pouvez suivre et partager sur les réseaux sociaux les actions d’associations qui œuvrent dans le domaine de la mode éthique et durable, telles que le Collectif éthique sur l’étiquette, Le Green Friday afin de leur faire gagner en visibilité. Dans la même optique, en vous abonnant aux comptes Instagram des entreprises engagées dans la mode éthique et durable, vous les aidez à se faire connaître et participez ainsi à leur développement.

Il est également possible de mener des actions bénévoles de sensibilisation à destination du grand public, au sein d’associations telles que Fashion Revolution ou encore d’apporter ses vêtements à des recycleries ou des associations solidaires lorsqu’on ne les porte plus.

Enfin, sensibilisez votre entourage, sans avoir un discours moralisateur ! Vous pouvez aborder la personne que vous souhaitez convaincre en lui parlant des avantages des vêtements éco responsables au lieu de lui faire un inventaire des méfaits de la fast fashion. En portant vous-même un vêtement éco-responsable à la pointe de la mode, vous susciterez encore plus son intérêt !

Une lecture ou un documentaire à nous recommander pour approfondir le sujet ?

Pour en savoir plus sur la mode éthique, je vous invite à lire Le guide de la mode éco responsable, de Natacha Ruiz et Alice Lehoux ou encore le guide La Mode éthique dans nos dressings conçu par le Magazine L’Info durable. Ce sont des documents très bien faits, qui expliquent les enjeux de l’industrie textile, et nous apportent des solutions pour agir à notre échelle en faveur d’une mode éthique et durable !

*Greenwashing : procédé de marketing ou de relations publiques utilisé par une organisation pour se donner une image de responsabilité écologique trompeuse.

**Upcycling : action de récupérer des matériaux ou des produits dont on n’a plus l’usage afin de les transformer en matériaux ou produits de qualité ou d’utilité supérieure.