« J’ai commencé ma carrière de photographe dans le Masai-Mara, au Kenya. J’étais parti y étudier les lions avec ma femme. J’y ai passé trois ans, pendant lesquels j’ai pu voir que, comme nous, ils jouent, ils font l’amour, ils s’occupent de leurs enfants, ils sont parfois joyeux, parfois inquiets… Les chercheurs nous mettent en garde contre l’anthropomorphisme.

Mais je crois que l’empathie est un moteur important de notre relation à la planète et à ses habitants, et je ressens cette empathie pour mes congénères et pour un grand nombre d’animaux. Je me sens proche d’eux – même si, bien sûr, c’est plus facile avec certaines espèces qu’avec d’autres. Cette empathie est un axe fondamental de ce que devrait être notre relation au monde.

À mon retour en France, j’ai découvert un fait qui ne cesse de m’interroger : si l’on additionne l’ensemble de tous les vertébrés présents sur les terres émergées de notre planète (mammifères, oiseaux, reptiles), 95 % de leur masse correspond aux animaux d’élevage. Nous avons avons relégué le monde sauvage à la partie congrue.Il ne s’agit pas de faire la leçon à l’Afrique ou à l’Asie, puisqu’en Europe, nous avons anéanti cette partie sauvage et repoussé les grands prédateurs ou les grands herbivores (comme les chevaux sauvages ou les bisons) à des zones confinées. Nous n’arrivons même pas à cohabiter avec les rares loups ou ours qui subsistent.

Parfois, intuitivement, nous sentons combien nous avons besoin de la « nature », quand nous partons nous ressourcer, pour quelques jours ou semaines de vacances, loin de notre monde urbain. Mais sommes-nous prêts à accepter qu’il y ait des espaces que nous ne contrôlions pas complètement ? Et le voulons-nous seulement ? Alternativement, sommes-nous prêts à vivre sans les lions, sans les ours blancs, sans les baleines, les insectes ou même sans les rats ? Ou avec seulement quelques-uns d’entre eux dans des zoos, et des photos d’eux dans nos encyclopédies ?

Protéger le monde sauvage est complexe. Cela demande des stratégies variées. La CITES l’aborde d’une manière assez inattendue : du point de vue du commerce. Dans notre monde moderne, où l’argent est le moteur ou la raison de tant de choses, c’est clairement un positionnement décisif.

Ce n’est pas ma manière de voir le monde. Mais je comprends que c’est là un enjeu majeur. Car en interdisant le commerce de certaines espèces ou de certaines matières qui en sont issues – comme l’ivoire –, on les protège. Et en créant des filières responsables, on peut donner aux Hommes les moyens de subsister tout en préservant la biodiversité. (À condition de le faire dans des conditions éthiques de respect des animaux et de leur bien-être, ce qui sort du cadre de la Convention, mais qui est au coeur de mes préoccupations.).

Le travail de la CITES est absolument essentiel ; il est aussi d’une efficacité remarquable. Comme le fait remarquer mon ami John Scanlon, 100 % des animaux ou des végétaux qui ont été inscrits à la Convention ont été protégés : aucun n’a disparu depuis qu’elle existe. Une efficacité absolument unique.Je suis donc honoré de participer à ce livre, publié pour célébrer le quarantième anniversaire de cette Convention, et je suis honoré de mettre mes photos à la disposition d’une cause si importante et de celles et ceux qui la servent tous les jours.

Donner à aimer le monde et tous ses habitants, c’est mon travail de tous les jours. C’est celui des photographes exceptionnels qui ont bien voulu contribuer à cet ouvrage : Laurent Baheux, Sandra Bartocha, Heidi et Hans-Jürgen Koch, Mark Laita, Brian Skerry. C’est aussi celui de l’équipe dirigée par Olivier Blond qui, au sein de ma fondation GoodPlanet, a réalisé ce livre.
La fondation a pour slogan « Vivre ensemble ». Je crois que c’est vraiment l’enjeu pour celles et ceux qui veulent protéger la biodiversité. »

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