Photographe et réalisateur, Marc Dozier consacre l’essentiel de son travail à la Papouasie-Nouvelle-Guinée qu’il explore depuis plus de vingt-cinq ans. Chaque année, il partage le quotidien de différentes tribus dont il parle la langue véhiculaire, le pidgin, afin de répertorier la richesse de ces sociétés traditionnelles et de témoigner de leurs mutations sociales et culturelles. Auteur de nombreux livres, il est également le coréalisateur du film Frères des arbres qui retrace la lutte contre la déforestation du chef papou Mundiya Kepanga récompensé par quinze prix internationaux dont deux prix Greenpeace.

Il nous invite à découvrir avec lui quelques images d’une culture extraordinaire.

THE SHOW MUST GO ON

Les grands festivals tribaux appelés « shows » sont des évènements culturels très populaires en Papouasie-Nouvelle-Guinée. À cette occasion, des centaines de danseurs se rassemblent pour partager un moment de fête et de danse. Organisé le troisième week-end du mois d’août, le festival de Mount Hagen est l’un des plus impressionnants et des plus célèbres du pays. Durant deux jours, les danseurs rivalisent d’imagination, avec leurs tenues les plus colorées, pour affirmer leur identité et leur appartenance à leur communauté. « Loin d’être figé dans la tradition comme on pourrait le croire, l’art des parures est en perpétuelle évolution, explique Marc Dozier. Autrefois, les hommes utilisaient exclusivement des matériaux naturels – plumes, cheveux, os, feuilles, ergots, becs, insectes… – pour leurs ornements corporels. Mais aujourd’hui, ils n’hésitent pas à utiliser tout ce que la modernité a mis au service de leur imaginaire. » Sans complexe, les danseurs intègrent en effet aujourd’hui toute la palette des couleurs issues de l’industrie moderne (gouache, acrylique…) dont l’éclat est particulièrement apprécié du public.

« Personnellement, je regarde ces parures et ces peintures comme de véritables œuvres d’art moderne d’une extrême inventivité, considère Marc Dozier. Souvent, je me laisse étourdir par le dessin d’un rouge sur une bouche ou le mikado d’un trait sur un visage. Il y a du Kandinsky dans ces points, ces aplats, ces droites et ces courbes. Il y a du Miró dans l’éclat de ces bleus électriques, ces rouges grenadine, ces jaunes fleur de souffre et ces noirs carbone. Il y a aussi du Matisse dans ces rythmes, ces juxtapositions et ces collages de feuilles et de plumes. »

DANS LA MAISON DES ESPRITS

Désignés sous le nom de Haustambaran (Maisons des esprits) ou de Hausboï (Maison des Hommes), ces grandes constructions traditionnelles de la région du fleuve Sepik au nord-est de la Papouasie-Nouvelle-Guinée peuvent dépasser 40 mètres de long et plus de 15 mètres de haut. Bien qu’elles existent – d’une façon ou d’une autre – dans la plupart des sociétés océaniennes, les maisons des esprits du Moyen-Sepik sont de loin les plus majestueuses et les plus élaborées. Généralement bâties au centre du village, les Haustambaran constituent la pierre angulaire des sociétés, secrètes et magiques, du Sepik. « Toutes les discussions importantes doivent avoir lieu dans la Maison des esprits, explique Marc Dozier. C’est à la fois un petit parlement démocratique où l’on évoque les problèmes de la communauté et un temple où l’on montre notre respect aux wagons, les esprits. »

C’est à l’intérieur de ces édifices que les anciens apprennent aux jeunes les paroles secrètes qui ne doivent être connues que des seuls initiés. Comme le nombril du village, chaque édifice est considéré comme un individu à part entière par la communauté.

LE RÉVEIL DES DUK-DUK

Dans la région de Nouvelle-Bretagne au nord de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, l’arrivée des dukduk sur une pirogue au petit matin marque le début du festival des masques de Rabaul. Au lever du jour, les dukduk et les tumbuans, des esprits incarnés par d’impressionnants masques couverts de feuilles, dansent sur des pirogues au rythme des chants et des tambours. Cette cérémonie nommée Kinavaï symbolise les premiers pas du peuple Tolaï en Nouvelle-Bretagne.

« Considérée comme de sexe féminin, les tumbuans dansent et rendent la justice alors que les dukduk, de sexe masculin et statiques, sont liés aux initiations des adolescents. Pour les Tolaïs, ces deux figures anthropomorphiques constituent de véritables êtres à part entière » précise Marc Dozier. Généralement, les tumbuans sont sensiblement plus grands que les dukduk, et possèdent de grands yeux circulaires et un large sourire faussement naïf. « Avant l’arrivée des hommes blancs, les dukduks étaient considérés comme des dieux. Mais les missionnaires ont beaucoup fait pour détruire cette culture. Aujourd’hui, même si les Tolaïs sont tous devenus chrétiens, le dukduk constitue toujours l’âme de leur société.  Il est le garant de leurs lois et de leur identité. » explique Marc Dozier.

POUSSIÈRE DE TERRE PERDUE DANS L’OCÉAN

Isolé sur la côte nord de Nouvelle-Bretagne, le petit village de Voge Voge compte moins d’une centaine d’habitants. Chaque matin, les enfants doivent rejoindre en pirogue l’école implantée sur la côte de l’île principale. Avec son chapelet d’îles perdues au cœur de la mer de Bismarck, la région du Cap Gloucester constitue l’une des zones les plus isolées de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Ce décor enchanteur semble tout droit sorti d’une adaptation hollywoodienne de Robinson Crusoé. « Pourtant, la réalité n’a rien d’un éden de carte postale, explique Marc Dozier. Perdu au milieu de l’océan Pacifique, on subsiste au jour le jour. A l’exception de ceux qui travaillent dans les plantations de palmiers à huile à l’est de la province, le reste des habitants se débrouillent avec la pêche et les récoltes de patates douces parfois agrémentées de taros, de noix de coco ou de bananes. »

LA DANSE MACABRE DES HOMMES-BOUE

Non loin de Goroka dans les Hautes terres, les hommes de la région d’Asaro sont réputés pour leurs masques de glaise qui leur a valu le surnom de Mudmen, hommes boue. Probablement postérieur au contact avec l’Occident, ces parures démontrent l’incroyable créativité des Papous qui réinventent sans cesse la forme plastique de leurs traditions.  « Lorsqu’ils sont parés en Hommes-boue, ils marchent très lentement, sans dire un mot, en faisant claquer leurs doigts de bambous, explique Marc Dozier. Ils sont très impressionnants et font vraiment froid dans le dos. »

D’après la légende, il y a très longtemps, les hommes du village de Komunive ont découvert leur village complétement ravagé en rentrant d’une expédition de chasse. Leurs femmes avaient disparu, enlevées par les hommes du village voisin, leurs ennemis réputés féroces. Sans attendre, ils s’enfoncèrent dans la jungle pour les retrouver. En chemin, ils se perdirent dans les marais et au petit matin, lorsqu’ils retrouvèrent leur chemin, ils se présentèrent devant le village couvert de boue comme des fantômes. Devant ce spectacle, leurs ennemis s’enfuirent à toutes jambes. Les hommes purent délivrer leurs femmes et retrouver leur village. Ravis de l’effet provoqué par leur tenue, ils l’améliorèrent en créant un masque, semant dès lors régulièrement la panique chez leurs ennemis.

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